Gato Beevans, chronique d’une « super – star » qui disparut sans crier gare !

Au début des années 1990, apparut, dans le firmament de la musique RD – congolaise, une voix, à l’allure frêle, mais (très) suave – tout de même ! – et mélodieuse. Originale par son timbre, cette voix de sirène, qui s’accompagnait d’une musique de style Rythm and blues (RNB) – laquelle avait dominé le monde depuis les USA -, n’était autre que celle d’un certain… GATO BEEVANS. Auteur de l’album « Azalaki awa » (Littéralement, elle était ici), cet opus de 6 titres avait a l’époque conquis sérieusement les cœurs. En tout cas, avec ce premier album, ce qui semblait un coup d’essai se révéla un coup de maitre, pour cet artiste – musicien. Atypique, de par sa corde vocale qui faisait croire à un enfant, ses pas de dance inspirés du break – dance, sa contenance presque cléricale dans ce monde plutôt extravagant. Mais aussi et surtout ‘‘son’’ genre de musique- très moderne et très élégant-, qui tranchait net avec la routinière Rumba, qu’elle eût été ‘‘Fiesta’’, ‘‘Odemba’’ ou bouillonnante… chantée par le clan Zaïko et ses dérivés !

« En Afrique, la critique a été unanime à son égard »

Sacré ‘‘Révélation de l’année 1991’’ par l’Union zaïroise des chroniqueurs de Musique, la critique, à travers l’Afrique, a été tout autant unanime- à l’égard de cet artiste. En effet, tous les chroniqueurs et observateurs de l’art d’Orphée du continent étaient vraiment convaincus qu’une (véritable) étoile leur était apparue. Tant et si qu’en 1994 – à son retour au pays-, Papa Wemba n’hésita pas à le féliciter. Vivement. «J’aime bien ce petit – là », fit – il en montrant du doigt Gato Beevans; ce dernier était assis calmement au beau milieu du Salon Congo’’ de l’Hôtel Intercontinental (l’actuel Grand Hôtel), en train de suivre le point de presse organisé en marge de cet évènement. « Tu iras loin avec ce que tu fais », lui promit – il, avec franchise. Persuadé comme tout le monde que ce talent hors-norme et hors du commun ne pouvait être destiné qu’à une carrière internationale radieuse. Mais, hélas !

L’étoile qui s’était si bien levée, arrosant les mélomanes de ses notes si langoureuses et d’une rare beauté, ne tarda pas à disparaitre. De l’horizon. Pour toujours. Laissant les amoureux de cette bonne musique dans leur soif ! Mais en RDC, ses souvenirs ne cessent d’être ravivés. A l’instar de ce que vient de faire Ferré Gola dans son récent album, où il a repris quelques aires de la fameuse « #AzalakiAwa »-, traçant de ce fait un trait d’union entre la génération de Gato Beevans et l’actuelle. Mais… qui était- il réellement, cet artiste – musicien ?

« Un des rares de sa génération à écrire et déchiffrer… »

Pour comprendre réellement cet artiste et le choix du genre musical par lui opté, il sied d’interroger d’abord son milieu de vie. La famille Gato habitait le quartier résidentiel de la commune de Limete, précisément sur l’avenue des Tropiques. A l’époque coloniale, cette partie de la ville de Kinshasa – à l’instar de la commune de Kalina (Gombe), des quartiers Macampagne et Binza Ozone dans celle de Ngaliema-, était uniquement réservée aux leucodermes. Après l’indépendance, ces quartiers, occupés depuis par la nouvelle bourgeoisie, n’avaient guère perdu de sa prégnance occidentale. Ses habitants avaient toujours gardé un mode de vie typiquement européen. Manifeste à travers leurs préférences : comportementales, sociétales ou autres. Même la musique qui était prisée dans ces secteurs n’était guère celle qui était en vogue dans les anciennes cités « indigènes ». On y écoutait régulièrement plutôt les blues, les James Boond, les Elvis Presley, les Jackson’s five, les Jhonny Haliday, la musique classique, etc. Et très rarement des musiciens populaires local, sinon, après une sélection sévère basée sur la nature de l’artiste – musicien en question, le genre musical qu’il joue, le niveau et le sens du message véhiculé dans sa musique. Ainsi, les parents étaient sûrs que leurs progénitures ne consommaient pas un truc de voyous, très toxique à leur éducation !

C’est dans ce milieu très occidentalisé qu’est née la ‘‘super – star’’ Beevans Gato, en 1966. Fils d’un cardiologue, le docteur Gato, Bienvenu – Vincent Mangubu alias Beevans afficha très tôt un goût très prononcé pour la musique, celle de son milieu. Ainsi, après son cycle primaire, ses parents l’inscrivirent à l’école secondaire des Arts, comme le ferait tout occidental, au vu du talent de son rejeton, question d’assurer le développement harmonieux de ce don aux grands biens de l’avenir pour celui – ci.

Après l’obtention du diplôme d’état (Baccalauréat) édition 1985 – 1986, il .entreprit les études supérieures à l’Institut supérieur des Arts (INA) section musique, question d’approfondir davantage ses connaissances en ce domaine. C’est ainsi qu’il va devenir l’un des très rares- si pas le seul – musiciens de sa génération à écrire et déchiffrer les partitions musicales.

« Influencé aussi par l’église, sa mère et Honoré de Balzac »

Autre influence en Gato, l’église catholique romaine. Fidèle de la paroisse Saint Raphaël, il avait le comportement typique d’un véritable séminariste, disent de lui ses anciens camarades. Malgré le succès qu’il avait dans le Smurph, funky – chicken et autres, Bienvenu ne se compromit point avec les filles. Il demeura chaste, comme croyait- il à l’époque de son idole, la pop – star mondiale, Michael Jackson. De plus, il ne se laissait jamais entrainer par des vagues pécheresses synonymes d’une certaine rupture avec le passé.

Après le trépas de son père, il garda un respect sans faille envers sa tendre mère, ne faisant que ce qui pouvait lui plaire. Ainsi, GATULA, pour les intimes, ne fréquentait jamais le « Runch », où plusieurs de sa génération allait se risquer dans des boissons et autres plaisirs charnels. En outre, il se méfiait sévèrement de la Rose – Croix de Harvey Lewis Spencer, qui était à la 1ère Rue aux cotés de HJHospital, et de ses nombreux camarades du quartier qui avaient adhéré dans ce mouvement mystique.

Contaminé de la dévotion Mariale par sa mère, Bienvenu y était en plein dedans. Au point de disposer, dans sa chambre à coucher, une pérégrine pour ses récitals quotidiens du Rosaire. Ses premières chansons étaient aussi des cantiques de vénération à la Madone. Mais lorsqu’il se lança dans la musique dite « mondaine », le désormais Gato Beevans prit, du coup, sur lui de dédier à sa mère une chanson pour lui demander pardon. Mais pour quel crime ? La relation fusionnelle avec sa mère était – elle donc rompu ? Le fils à maman aurait – t – il, pour son art, marché sur les interdits ? Le mystère sur ce titre repris dans son premier opus – «Limbisa nga maman » – reste donc entier.

Mais quant à son premier album proprement dit, on relève qu’il était composé de 6 titres. En l’analysant, on y découvre l’influence profonde d’Honoré de Balzac. Et cela, par la manière dont les différents textes dudit opus ont été structurés par l’auteur. En effet, comme ce grand écrivain français du 17ème siècle- inventeur de la présence récurrente des personnages d’un livre à l’autre-, la chérie de notre artiste – musicien traverse, elle aussi, des fleuves. Avec elle, tout avait débuté par un « Coup de foudre », avant d’être là- dans « Azalaki awa »- et disparaitre pour toujours amenant notre amoureux à lui rappeler des principes qu’enseigne l’église une fois lié par un serment de mariage et cela, à travers le titre « Serment tosalaki »(en Francais: Ce serment que nous avions fait). On la retrouve même plus tard, dans l’album suivant, où elle est le sujet principal du titre « Office des routes » !

« Trop bon et trop intellectuel » pour y demeurer…

« Il semblait trop bon, trop intellectuel et trop attaché à ça, pour demeurer dans le monde musical », m’explique un oncle. «Dans le show – biz, ajoute – t- il, ceux qui y restent longtemps sont le plus souvent des véritables voyous. Des gens qui n’ont que faire de codes de la société, puisqu’ils les inventent à leur manière, les imposent et s’imposent. #KoffiOlomide qui était à son début comme lui l’avait déjà bien compris ; c’est ainsi qu’il s’était métamorphosé devenant, pour maintenir son succès, l’un des artistes – musiciens du continent le plus indélicat, moins reconnaissant, conflictuel et problématique. C’est cette voie qu’emprunte aujourd’hui #FallyIpupa». C’est un tout un débat.

Aux dernières nouvelles, l’homme aurait définitivement abandonné la musique dite « profane » ; se laissant entièrement guidé par le christianisme, il serait même devenu pasteur dans une église évangélique aux Etats – Unis d’Amérique, où s’était- t- il rendu. Officiellement pour explorer les nouvelles opportunités et où, donc, il vit- depuis qu ‘il a quitté la terre de ses ancêtres.

Papy Mumputu

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