Il est 5h24′ à Abidjan, quand la nouvelle prend tout le monde de cours. Alors qu’il égayait le public ivoirien le 24 avril 2016 lors de la neuvième édition du Festival des Musiques Urbaines d’Anoumabo, celui qu’on surnomait le Kuru Yaka rendit l’âme en plein concert sans crier gare à l’âge de 66 ans. Tel un militaire sur le champ de bataille, Vieux Bokul tomba micro à la main en emportant avec lui sa belle voix qui, des décennies durant, a bercé l’enfance de plusieurs congolais. Retour sur le parcours d’un immortel.
Fils d’un militaire et d’une pleureuse professionnelle, Papa Wemba est l’un des plus grands ambassadeurs de la roumba congolaise. Très jeune il est influencé par sa mère auprès de qui il apprend ses premières notes de musique malgré l’opposition de son père qui voulait qu’il devienne avocat ou journaliste. C’est finalement dans la musique que Jules Shungu Wembadio trouvera son créneau. Au décès de son père, il intègre la musique de la rue à Matonge dans la capitale congolaise et opte pour le pseudonyme de Jules Presley.
Ses premiers succès à Kinshasa
En 1969, Papa Wemba s’associe à Jossart Nyoka Longo, Félix Manuaku Waku, Evoloko, Mavuela Siméon et d’autres jeunes musiciens pour créer Zaiko Langa Langa, un orchestre qui fera la pluie et le beau temps de la musique zaïroise. Ensemble, ils produisent des titres à succès comme Mété La Vérité, Chouchouna, Eluzam, Mbeya Mbeya, Yo Nalinga et BP Ya Munu. Papa Wemba quitte, en 1974, Zaiko Langa Langa et fonde avec d’autres artistes Isifi Lokole avant de fonder, une année plus tard Yoka Lokole. Sans doute fatigué de changer tout le temps d’orchestre, Vieux Bokul crée, en 1976, Viva La Musica, l’orchestre qu’il dirigera jusqu’à sa mort et par lequel plusieurs grands noms de la musique congolaise comme King Kester Emeneya ou Awilo Longomba sont passés.
Les premières productions de l’orchestre sont des chefs d’œuvre. Des titres comme Mère Supérieure, Ebalé Mbongé Mabele Mokonzi, Bokulaka et Ekoti ya nzube font danser les mélomanes zaïrois. Un succès qui n’empêchera pas Papa Wemba de s’associer à Tabu Ley au sein de l’orchestre Afrisa International créé par ce dernier. Ensemble, ils font une tournée européenne et enregistrent deux chansons entre 1979 et 1980 avant que le Kuru Yaka ne reprenne son indépendance. Chacun de ses albums est un succès phénoménal.
Artiste émérite et polyvalent
Des titres comme Analengo, Maria Valencia, Esclave, Yolele, Rail on, Ye te oh, etc. sont la preuve vivante du succès que rencontre Mzee Fula Ngenge. Papa Wemba c’est aussi des collaborations avec des célébrités connues mondialement comme Salif Keita, Manu Dibango, Martin Meissonnier (le producteur de Fela Kuti ou de King Sunny Adé), Peter Gabriel, Stevie Wonder et Eric Clapton. C’est surtout des collaborations avec des congolais comme Wendo Kolosoy, Nyoka Longo, Tabu Ley, Lokua Kanza, Ray Lema ou Koffi Olomidé.
Artiste polyvalent, Papa Wemba s’est également essayé au Cinéma en incarnant le rôle de l’acteur principal du film « La vie est belle» du réalisateur congolais Ngangura Mweze. A ceci s’ajoutent des rôles incarnés dans des films comme Kinshasa Kids ou encore Combat des fauves. Adepte de la religion Kitendi ( pagne en lingala), il est un membre très influent de la Société des Ambianceurs et des Personnes Élégantes, dont il est l’un des précurseurs. Son style vestimentaire influencera d’ailleurs plusieurs générations qui trouveront en lui une référence.
Artiste émérite, il a remporté le Kora du Meilleur Artiste Masculin d’Afrique à l’édition de 1996 avant d’etre décoré, à titre posthume, Commandeur de l’Ordre national de la Côte d’Ivoire et Grand Officier dans l’Ordre national des héros nationaux Kabila-Lumumba en RDC, son pays natal. Père de plusieurs enfants, Papa Wemba a laissé derrière lui des mélodies qui rythmeront les pas de danse des toutes les générations des amoureux de la roumba congolaise. Viva la Musica, l’orchestre qu’il a créé est actuellement géré par sa veuve Marie-Rose Luzolo alias « Amazone».
Moïse MAKANGARA /allokinculture